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Les Echos - Crédit d'impôt recherche, l'équation impossible

Le 18 septembre 2012 Télécharger la version PDF

Comment le gouvernement va-t-il s'y prendre pour tenir la promesse de François Hollande de redistribuer les cartes du crédit d'impôt recherche (CIR) au profit des PME ? On le saura le 28 septembre, après le Conseil des ministres qui doit adopter le projet de loi de Finances 2013. La grande question est de savoir si Bercy suivra ou pas les propositions faites par le sénateur socialiste Michel Berson, dans son rapport rendu fin juillet. A ce stade, toutes les hypothèses sont encore sur la table. Seule confirmation : le ministre de l'Economie et des Finances a réaffirmé mercredi dernier que «  les PME et les TPE seront incitées dans leurs efforts d'innovation par un élargissement du crédit d'impôt recherche pour les rendre plus exportatrices et plus innovantes  ».

En clair, le gouvernement est favorable à la mise en place dès 2013 d'un crédit d'impôt innovation (CII), doté d'une enveloppe de l'ordre de 200 millions d'euros (« Les Echos » d'hier)... Délicat à fixer, le taux du CII n'est pas encore tranché, mais l'hypothèse avancée est 20 %. «  S'il est inférieur au taux du CIR (30 % actuellement), cela amènerait très probablement de l'insécurité fiscale dans la mesure où l'administration serait attentive à la qualification des travaux de développement expérimental et des prototypes de recherche, soulève Charles-Edouard de Cazalet, directeur associé de Sogedev. La tentation pourrait être de qualifier ces travaux au titre du CII et de les considérer comme non éligibles au CIR, ce qui réduirait le montant de ce dernier. »

Inclure les prototypes :

Quant au contenu de l'assiette fiscale du CII, qui reste à définir, « il faut au moins inclure dans son périmètre les dépenses liées aux prototypes et au design, qui peuvent coûter cher dans l'industrie. Ce CIR élargi vise à accompagner les PME jusqu'à la mise sur le marché de leurs innovations  », souligne Christophe Fornès, coprésident de la commission recherche et innovation de CroissancePlus. Vu l'état des finances publiques, « nous comprenons que cette mesure très attendue ait été circonscrite aux PME, mais nous espérons que les ETI numériques bénéficieront aussi par la suite d'un soutien à la croissance », a réagi pour sa part Jamal Labed, président de l'Afdel, l'Association française des éditeurs de logiciels et des solutions Internet.

Quel que soit l'arbitrage final, le rapport Berson préconise de ne pas réduire le CIR, l'une des rares dépenses fiscales efficientes. Mais d'aucuns n'excluent pas un nouveau rabotage en raison de la forte tension budgétaire, afin de contenir le coût du CIR estimé à 6 milliards d'euros en 2014.

Selon les derniers chiffres du ministère de la Recherche, 12.852 entreprises en ont bénéficié en 2010, pour une créance globale de 5,052 milliards d'euros. La répartition par taille montre nettement le déséquilibre. D'un côté, 10.971 PME (moins de 250 salariés) ont perçu au total 1,454 milliard et, de l'autre, 86 grands groupes (5.000 personnes et plus) se sont partagé 1,62 milliard.

D'où la proposition phare du rapport Berson, qui, mécaniquement, donne un signal politique fort : augmenter le taux actuel de 30 % des dépenses éligibles au CIR à 40 % pour les PME et les ETI. En contrepartie, pour ne pas alourdir l'addition, il suggère de le baisser de 30 % à 20 % pour les grandes entreprises, en supprimant le seuil de 100 millions d'euros au-delà duquel le taux tombe à 5 %.

"Bouffée d'oxygène"

Cette proposition a suscité de vives réactions des grands industriels de l'électronique ou de la chimie. «  A la demande de nos adhérents, qui se sont manifestés dès la publication du rapport, nous avons réalisé une enquête interne pour évaluer l'impact négatif. Sur un montant du crédit d'impôt recherche estimé à 250 millions d'euros pour la chimie en France, cette baisse du taux se traduirait par une réduction du CIR d'environ 70 millions d'euros », rapporte Jean Pelin, directeur général de l'Union des industries chimiques (UIC). Une telle mesure ouvrirait donc la porte à la délocalisation, en Chine ou ailleurs, d'une partie des activités R & D de groupes étrangers implantés dans l'Hexagone.

Au-delà de cette baisse significative de leur CIR, qui ne mettrait pas en péril la solidité financière des grandes entreprises, les patrons s'inquiètent de l'instabilité du dispositif fiscal d'aide à l'innovation le plus utilisé en France. « C'est encore plus sensible dans la pharmacie, car un laboratoire prend des décisions d'investissement en R&D sur une durée de dix ans, insiste Philippe Lamoureux, directeur général des Entreprises du médicament (Leem). Dans notre industrie, qui est frappée par une fiscalité spécifique, quand on fait la comparaison avec les autres pays européens, le CIR fait partie des rares attractivités fiscales. Il ne faudrait pas le détériorer en réduisant son périmètre.  »

Si les PME n'ont pas réclamé l'augmentation de leur taux de CIR à 40 %, les experts en innovation plaident dans ce sens. «  Ce serait souhaitable pour soutenir leurs efforts de R &D et alimenter l'effet moteur des PME, qui, ces vingt dernières années, ont créé 82 % des emplois et ont lancé les principales innovations de rupture  », rappelle Patrick Haouat, président de l'Association des conseils en innovation.«  Cette mesure donnerait une vraie bouffée d'oxygène aux petites et moyennes entreprises, dont la trésorerie est d'autant plus fragile qu'elles doivent faire face à des conditions de crédit difficiles  »,renchérit Charles-Edouard de Cazalet. Dans ce contexte économique tendu, l'accélération du remboursement anticipé du CIR pour les PME et ETI proposée par le sénateur Michel Berson fait, en revanche, l'unanimité.

Reste que tout le monde émet la même réserve sur la modulation du CIR en fonction de la taille de l'entreprise : le risque d'opposer PME et grands groupes. L'effet serait contre-productif. A l'encontre de la politique d'innovation déployée depuis des années, à coups de milliards d'euros, qui vise à les rapprocher pour valoriser l'excellence de la R&D française.

Un casse-tête fiscal. A enveloppe budgétaire égale, quelle mesure serait la plus équitable ? «  Il faut faire du CIR un outil collaboratif en instaurant un seuil de 30 à 50 millions d'euros pour les grands groupes. Au-delà, le versement serait conditionné à leur engagement de l'investir dans des collaborations de R & D avec les PME innovantes  », suggère André Choulika, président de France Biotech. «  C'est un deal gagnant-gagnant qui doperait l'embauche de chercheurs par les PME pour les aider à grandir et qui apporterait de nouveaux produits aux grands groupes.  » L'association va plus loin en proposant de redéfinir l'assiette fiscale en fonction du risque vraiment pris par les entreprises les plus innovantes, à l'instar des start-up de biotechnologies.

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